Confession #1 : le mal-être initial

conf2Hello 🙂

Je suis en train de préparer la future série de l’été du blog, le projet avance doucement et il devrait donner ses premiers résultats d’ici quelques semaines. Pour expliquer ce temps de mise en place il faut savoir que j’essaye toujours de faire en sorte que chaque projet m’apporte quelque chose au niveau personnel, plus spécialement qu’il me permette d’expérimenter une nouvelle facette de l’écriture ou du BDSM. Cette fois-ci je compte m’attaquer à un autre mode de narration, un type plus littéraire, en ayant un narrateur omniscient rentrant tour à tour dans la tête des différents protagonistes et donc ne plus se limiter à un seul point de vue. Il faut s’essayer à tous les styles avant de découvrir le sien. Il serait bien sûr plus confortable de rester sur place et ne jamais prendre de risque, après tout rester dans sa zone de confiance est une façon de ne jamais rater. Ce n’est pas ma méthode de pensée loin de là et même si vous n’apprécierez pas le résultat j’aurais au moins eu le mérite d’essayer. J’ai toujours ma hantise de l’immobilisme.

En attendant que mon prototype soit prêt je vais traiter un sujet que j’ai repoussé depuis longtemps, mes débuts. C’est un sujet très noir (mais qui se termine bien je vous rassure), ça sera ma façon de tirer un trait sur cette période. Je voulais le publier hier mais le texte était trop mal écrit, même cette version est mauvaise au point de vue de la rédaction même si j’en ai réécrit une grosse partie. C’est un sujet très sensible et l’émotion m’empêche de me concentrer. C’est un post vraiment très particulier, très sombre, je me moque que ce ne soit pas ce que vous attendez il faut que je le dise. Ça doit être fait, même mal.

Ce blog a déjà eu plusieurs facettes et en aura probablement d’autres avec le temps. Il a déjà été un mode d’emploi, un guide BDSM, un atelier d’écriture et d’inspiration voilà qu’il passe en mode « confessions » publiques. Je vais arrêter temporairement de parler des techniques pour faire souffrir davantage les soumis et plutôt vous parler de moi. Bien évidemment parler de BDSM était déjà intime en soi mais si vous savez lire entre les lignes vous avez vite compris que j’ai une angoisse à montrer mes faiblesses. Hors il n’est pas possible de parler de soi sans montrer notre côté le plus faible, le plus humain, mettre à jour ses défauts, ses erreurs et vous vous doutez bien que mes débuts en ont recelées beaucoup.
Ne faites pas les surpris vous savez bien que je m’arrange pour toujours avoir le beau rôle dans mes récits. La réalité est un peu moins idyllique, nous avons tous une facilité à donner des conseils mais à ne pas les suivre.

Avant de commencer je vais faire une petite précision légale. En France la loi interdit les récits croisant sexualité et mineurs même à titre de témoignage (c’est à se demander pourquoi les confessions de Rousseau sont toujours en vente …), c’est assimilé à du matériel pédophile et assujetti aux mêmes peines, et je parle bien de personnages « virtuels », que ce soit à l’écrit ou en dessins pas de l’exploitation de l’image de « vrais » enfants.
Vous savez que je vous aime bien mais pas au point d’aller en tôle pour vous 🙂 C’est la loi en France et je suis française, en tant que juriste et future avocate je suis bien placée pour savoir que bien que même stupide la loi reste la loi. Ce témoignage va donc commencer à 18 ans et une seconde, que ce soit dit. Même si parfois ça semble se passer avant c’est juste votre imaginaire qui vous joue des tours, tout se passe après ma majorité !
Surtout que si vous vous attendez à un historique d’enfant battue ou maltraitée vous seriez déçus. Comme bien des enfants j’ai ramassé quelques déculottées mais je n’en ai volé aucune. Mes parents ont fait ce qu’il était attendu d’eux, j’ai de la chance de les avoir et je ne les échangerais comme personne d’autre. Pour tout vous dire j’ai une amie qui a perdue sa mère en début de semaine, ça m’a fait drôle puisque nous avons le même âge et des parents de la même génération. J’ai brutalement fait face au fait que mes parents allaient mourir un jour et depuis je n’arrête plus d’y penser. Mais ce n’est pas le sujet du jour.

Au départ il y avait surtout un mal être, la conscience que je n’étais pas normale et que je devais le cacher. C’était difficile de se sentir différente et d’avoir le pressentiment que je ne devais le dire à personne. J’avais honte de ne pas être comme tout le monde.
Je ne devais rien laisser transparaitre, que personne ne se doute de rien. Même mon journal intime ne contenait aucune trace de ce trouble, j’avais trop peur que quelqu’un tombe dessus et découvre mon vilain secret. À y repenser c’était ridicule de rédiger un faux-journal intime « au cas où ». C’était une angoisse permanente, je ne pouvais pas courir le risque d’avoir des explications à donner, je n’en avais aucune. Peut-être que si je jouais le rôle assez bien je finirais par y croire moi-même. Que si j’ignorais le problème assez longtemps il se dissiperait de lui-même.
Je n’y pouvais rien, je devenais toute chose à la vue de scènes d’interrogatoire dans les films, et je ne vous parle même pas des violences. Je m’imaginais tour à tour victime et bourreau.
Entre ce que je voulais faire et ce que je voulais subir tout se mélangeait. Je ne savais pas de quel côté du fantasme j’étais. J’avais envie de discipline, de rappel à l’ordre, je devais souffrir pour me punir d’avoir de telles pensées. Je m’imposais des règles de vie, des punitions, des privations pour me remettre dans le droit chemin. J’étais une jeune adulte (je rappelle 18 ans la loi tout ça …) très troublée, carrément perturbée n’ayons pas peur des mots. Je n’avais aucune idée de comment je pouvais gérer autrement mes émotions.
Ça me semblait juste de rester immobile au coin le temps que mes envies malsaines se calment ou de m’infliger une douche froide le matin pour me punir d’avoir eu des rêves peu orthodoxes. De copier des lignes pour me faire rentrer dans la tête que je devais être normale, de me priver de repas toute la journée pour subir le tiraillement d’un ventre vide pour avoir fantasmé punir quelqu’un.
Je pensais que j’étais seule au monde et que je ne pouvais pas partager ce fardeau avec d’autres, je n’avais pas le choix, si je voulais décharger ses envies je devais être ma propre victime.
Pour moi j’étais de toute façon coupable et comme personne ne pouvait le savoir c’était à moi qu’il incombait de rétablir l’équilibre en acceptant un châtiment. Comme beaucoup d’asiatique je suis très influencée par les philosophies reposant sur un équilibre naturel qu’il faut conserver sous peine que tout s’effondre.
Il faut dire que par moment j’étais une peste, j’ai des copines qui se sont pris plus de gifles qu’elles n’en méritaient. J’avais appris assez vite à repérer les personnes faibles, j’utilisais à mon avantage l’incapacité que certains ont de dire « non ». Je trouvais ça juste d’exploiter les faiblesses des autres, j’étais en état de guerre permanente, je ne pouvais pas rester immobile je devais attaquer avant que l’ennemi ne voit mes propres faiblesses et les exploite. Quand je parlais avec quelqu’un j’étais en alerte pour ne laisser passer aucun sous-entendu. Personne ne devait savoir ce qui se passait dans ma tête.
J’étais un vrai tyran, en prenant soin de toujours avoir une bonne justification derrière. Combien de fois j’ai levé la main en disant « Tu la vois celle la ? Un mot de plus et tu te la manges », par exemple pendant les révisions avant les examens, j’avais toujours une copine pour souffler et dire que de toute façon ça servait à rien. Je pouvais lui faire la leçon sur le fait que démoraliser le groupe ne servait à rien. J’avais presque raison. Qui aurait pu me reprocher d’en décocher à la moindre attitude paresseuse ? C’était pour leur bien.
De toute façon je faisais en sorte de toujours être la chef du groupe, de choisir de trainer avec des personnes qui n’auraient pas le cran de me contester.
Bien sûr en privé c’était moi que je punissais, pas tant pour les gifles, il faut savoir que je faisais beaucoup d’efforts pour paraitre parfaite. Pour me changer les esprits je m’étais plongée dans les études, je me créais un personnage, une façade idéale pour cacher qui j’étais vraiment. Avec tous les efforts que je faisais je ne supportais pas qu’elles jouent les filles gâtées, elles avaient la chance d’être normales, tout était facile pour elles, elles n’avaient pas de raison de se plaindre. Elles méritaient chacune des gifles que je leur ai mises. Si je me punissais par la suite c’est parce que j’avais honte d’avoir éprouvé du plaisir à les punir, à assurer la discipline. Ce n’était pas normal d’aimer donner des ordres et mener les autres à la baguette.
Ce n’était pas une réaction saine mais il n’y avait personne pour me le dire. Je n’avais personne avec qui parler. Déjà qu’il est difficile en temps normal de discuter de sexualité avec les amis, ou pire les parents, alors quand vous avez des envies BDSM c’est le désert. Vous êtes seul au monde pour affronter la guerre entre les différents aspects de votre personnalité.
Côté coeur j’avais des tendances bizarres, par moment je préférais les hommes faibles ou timides pour pouvoir les mener. À d’autres moments je préfèrerais les hommes plus autoritaires. J’avais comme un espoir qu’un homme violent serait capable de me gérer. J’avais des rêves où après quelques coups de ceinture bien placés je devenais une jeune femme docile et obéissante, que je prenais mon rôle normal après avoir été battue.
J’étais très mal partie, j’étais sur une pente très glissante, celle du refoulement. Plutôt que d’affronter mon « moi primitif » et d’apprendre à le contrôler je le repoussais.
On peut avoir des pulsions ce n’est pas grave tant que nous apprenons à les gérer. C’est le passage à l’acte qui pose problème pas les pensées hors en n’affrontant pas les problèmes à la base ils ne font qu’empirer.
Il y a quelques mois j’ai assisté au tribunal à un cas presque caricatural de ce schéma, un individu qui faisait de l’exhibitionnisme, il y avait eu plusieurs plaintes mais la police avait autre chose à faire qu’à l’identifier et l’arrêter. Ce n’était « qu’un exhibitionniste, il ne fait de mal à personne ». 6 mois après il a quand même fini au tribunal … pour une tentative d’enlèvement d’enfant. C’est un glissement classique et personne ne s’était interposé, avant le passage à l’acte j’entends, la police a été très réactive sur le coup c’est à signaler, heureusement il a été interpellé en quelques minutes. Il faut dire que tenter d’enlever un enfant à la sortie d’un collège alors que la police patrouille tous les jours dans le secteur à ces heures là …. c’était pas un génie du crime. Quand vous laissez vos pulsions dominer le cerveau n’a plus son mot à dire.
Mon point était que l’on ne bascule pas dans les extrémités du jour au lendemain, il y a des signes avant-coureurs, un psychopathe s’en prend aux animaux avant de tuer des êtres humains, un pyromane s’amuse avec des feux de poubelles etc…. Je ne dis pas que j’allais forcément dévier vers ce type de problème mais il y a toujours une probabilité que l’esprit en vienne à des extrémités dans ce conflit si on essaye de l’ignorer.
Ma porte de sortie, ou plutôt de retour dans le spectre normal a été l’écriture. Lorsque j’ai passé le cap de la peur que quelqu’un tombe sur mon journal intime et que je me suis parlée à moi-même. Que j’ai décris mes expériences, mes pics de perte de contrôle et essayant de me comprendre. Sans le savoir je venais de passer du bon côté de la frontière de la folie. Sur le plan clinique la distinction fondamentale entre l’individu avec ses défauts mais qui n’est pas un danger pour lui ou pour les autres et le pervers qu’il faut mettre à part se situe sur le terrain de la conflictualisation entre les différents aspects de soi. À partir du moment où vous êtes capable de visualiser le problème, de l’affronter mentalement, d’utiliser la communication orale ou écrite pour décharger les pulsions alors vous faites ce qu’il faut.
Aucune pulsion sexuelle n’est dangereuse en elle-même, c’est son manque de contrôle qui la fait devenir un problème. Prenons un cas extrême, la pédophilie, en elle-même elle ne diffère pas d’aimer les hommes ou les femmes adultes. Un homme qui aime une femme ne va pas devenir un violeur en cas de refus. Tant que vous considérez l’autre comme un être humain et pas comme un objet de plaisir il n’y a pas de danger. Le problème c’est de ne pas être capable de s’arrêter alors que l’on va à l’encontre de la volonté de l’autre, c’est manipuler des personnes pas assez matures pour faire leurs propres choix.
Malheureusement dans le cas de la pédophilie trop de ces personnes se cachent au lieu de demander de l’aide à la médecine, parce que oui, la psychologie est tout à fait à même d’aider à ne jamais passer du côté criminel. Ne sous-estimez pas l’équilibre que la médecine peut restaurer. Ne me sortez pas le couplet des mauvais médecins qui prescrivent des médicaments puissants à tour de bras. Comme dans toutes les professions il y a des mauvais. Certains sont très compétents et rien qu’avec des thérapies par la parole arrivent à apaiser ces conflits.
Je dis ça mais qui serait capable de pousser la porte d’un médecin-psychiatre pour demander de l’aide ? Moi j’en ai été incapable pour le BDSM alors même que j’étais carrément en crise. Lorsque vous tombez dans l’anorexie, que vous vous privez de repas pour vous punir le diagnostique est sans équivoque : c’est une atteinte à la vie, une tentative passive de suicide. C’était inconsciemment envisager la mort comme dernière ligne de défense plutôt que de laisser le fantasme prendre le dessus. J’en suis sortie toute seule mais j’aurais eu l’utilité d’une aide médicale. Je n’ai pas eu la présence d’esprit ou le courage d’aller chercher de l’aide « officielle » et elle n’est pas venue à moi.


Je vous avez prévenu le début est assez noir. Promis le ton va devenir plus heureux assez rapidement 🙂
Le sommaire de cette série de confessions se trouve ici.
Et la suite directe est ici.

3 réflexions sur « Confession #1 : le mal-être initial »

  1. Je n’aurai pas pensé cela il y a à peine un an, mais j’imagine que beaucoup de personne pourraient se reconnaitre dans ce texte , aussi bien au masculin qu’au féminin.. ! Et pourtant j’ai l’impression que je n’oserai jamais aborder ce qui me trotte vraiment dans la tête et comment je me sens a l’intérieur avec une/un amie proche mais c’est en lisant des témoignages comme celui ci que je ne suis plus sûr de rien.. :-/

    1. Il faudrait que je reprenne cette série de textes, elle n’est pas facile à écrire, tellement intime, mais elle pourrait aider certaines personnes en leur montrant qu’elles ne sont pas les seules à ressentir ça.

  2. Merci pour ces confessions. Elles font beaucoup echo a mon experience personnel, plus dans le refoulement et le degout de soi que dans l’extreme de l’anorexie. Je suis aussi d’une generation et d’une education ou le BDSM etait une deviance, une perversion, voire une une maladie mentale.
    Il m’aura fallu presque 40 ans pour finalement assumer a la fois mon besoin de Domination, a travers une relation avec une soumise, et de soumission, en en parlant a ma femme, en nous inscrivant dans une relation femdom/switch…

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